Les gendarmes bataillent pour conserver leur identité, en vue du passage sous la tutelle du ministère de l'intérieur, aux côtés des policiers, au 1er janvier 2009. Leur statut militaire va être sanctuarisé dans un texte de loi. Une première. Le seul texte spécifique date de 1903 : un simple décret portant sur l'organisation de la gendarmerie.

Le texte prépare ainsi, en apposant des verrous, le transfert de la tutelle du ministère de la défense à celui de l'intérieur. Il est surtout destiné à rassurer des gendarmes qui, depuis plusieurs mois, expriment de plus en plus ouvertement leur malaise, en prenant souvent pour référence 2001, année où, pour la première fois, ils avaient osé descendre dans la rue avec leurs familles. "Fuites" organisées dans la presse, témoignages relayés par des gradés, ou véhiculés par Internet, les exemples abondent.
La rumeur de la fermeture de la moitié des brigades dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, a envenimé la situation. Les comparaisons d'heures de travail et de salaires entre policiers et gendarmes n'ont cessé de se multiplier, parfois à tort et à travers. Les responsables hiérarchiques assurent que la "parité" des conditions sera assurée au terme de la réforme.
GROUPE DE PRESSION

Le directeur général de la gendarmerie nationale, Guy Parayre, a dû faire un aller-retour pour apaiser ses troupes. Il leur a assuré que "l'institution" était derrière elles... "Le premier syndicaliste, c'est moi !", aime à répéter le général - dont le conseil des ministres devait, mercredi 4 juin, entériner le départ à la retraite et le remplacement au 1er juillet par son second, Roland Gilles. Depuis, le gendarme du Var a été remis en liberté, et une association de soutien a été créée.
A ce stade, le projet de loi ne remet pas en question les règles spécifiques aux gendarmes de l'usage des armes. Pour 80 utilisations de leurs armes à feu en 2007, les gendarmes ne se sont trouvés qu'à 20 reprises en légitime défense (règle qui s'applique aux policiers).
Le texte contient surtout la création d'une grille indiciaire spécifique pour les salaires, qui était très demandée. Encore une fois, le corps s'est mué en efficace groupe de pression. En avril 2007, Nicolas Sarkozy, en pleine campagne présidentielle, en avait eu un petit aperçu en recevant une lettre ouverte de quatre officiers et sous-officiers.

Le statut général des gendarmes restera donc militaire. Pas question, comme en Belgique, en 1992, de procéder à une démilitarisation de cette force de sécurité.
En revanche, le ministère de l'intérieur, responsable de l'emploi des gendarmes depuis 2002, gérera désormais les carrières et le budget. Il nommera les officiers généraux et participera au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM). Créé un an après les événements de mai 1968, ce conseil tient lieu de syndicat maison.
De ce côté-là, aucune ouverture. Le 27 mai, M. Parayre a adressé une lettre sans appel aux huit responsables du site Internet "Gendarmes et citoyens", dans laquelle il leur "commandait" de démissionner sous huit jours de leur association. Ce qu'a fait, à regret, son président, Michaël Le Potier : "Ce forum existait depuis un an, il avait presque 10 000 inscrits".
Militant du droit d'expression des gendarmes, le vice-président, Jean-Hugues Matelly, chef d'escadron, proteste : "Je ne crois pas que le fait d'attaquer notre association favorise un climat assaini dans notre institution". L'association a assigné en référé la direction de la gendarmerie et le ministre de la défense (Le Monde du 4 juin). M. Parayre a promis d'améliorer le site Intranet. Mais, observe un gendarme sous couvert de l'anonymat, "on ne peut pas ouvrir n'importe quel forum de discussion, mais seulement répondre". En verrouillant leur statut, les gendarmes ont perdu la possibilité de pouvoir s'exprimer comme les policiers.
Isabelle Mandraud
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