vendredi 19 décembre 2008

Les policiers s'inquiètent d'une privatisation de la sécurité alors que leurs effectifs baissent

Coup sur coup, l'organisation, le 15 décembre, d'un premier "sommet européen" de la sécurité privée au ministère de l'intérieur, puis l'annonce, le lendemain, de la création de 100 000 emplois dans ce secteur d'ici à 2015, au terme d'une convention signée entre Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi et l'Union des entreprises de sécurité privée (USP), ont jeté le trouble.
Les policiers ont eu tôt fait de comparer ces créations d'emploi avec la suppression de près de 8 000 postes prévues dans la police et la gendarmerie d'ici à 2012.
Les calculs ont été vite faits. Déjà plus nombreux que les fonctionnaires de police, les salariés de la sécurité privée, au nombre de 159 000 aujourd'hui selon l'USB, dépasseront, avec l'arrivée de 100 000 emplois supplémentaires, l'ensemble policiers et gendarmes réunis (250 000).
"On est en train de démanteler la police pour la donner à des contractuels", accuse Henri Martini, secrétaire général de l'Unsa-police, premier syndicat de gardiens et gradés, en dénonçant l'importation d'un modèle anglo-saxon, appliqué "comme on l'a vu, aux Etats-Unis dans l'armée".
La visite, mardi toujours, de la ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, à Draveil (Essonne) à des "volontaires citoyens" chargés d'effectuer des missions de "soutien ou d'accompagnement" aux côtés de la police pour la petite délinquance, a achevé de mettre en colère l'Unsa-police.
Dans un communiqué envoyé mercredi, le syndicat fustige "la marchandisation de la sécurité (qui) aboutira à terme à l'augmentation des risques de dérapage pour les libertés publiques. A l'instar de ces bénévoles citoyens volontaires promus en shérifs qui assurent des missions de proximité que la police nationale ne peut plus assumer".
"SHÉRIFS"
Moins sévère, le syndicat rival Alliance admet cependant un malaise. "Ça peut nourrir le mécontentement, estime son secrétaire général, Jean-Claude Delage, si cela ne s'accompagne pas d'une redéfinition des missions et des structures de la police. Nous sommes en attente, de la part de la ministre, de savoir où va se situer la diminution des effectifs."
La disparition de missions de surveillance jusqu'ici dévolues à la police ne soulève pas pour certaines d'entre elles d'objections majeures. Patrice Ribeiro, secrétaire général adjoint de Synergie Officiers se dit partisan d'en externaliser quelques-unes. "Servir des plateaux repas dans les centres de rétentions administratives, est-ce la fonction de la police ?, interroge-t-il".
La "coproduction" privé-public prônée par Nicolas Sarkozy n'est donc pas, a priori, rejetée mais elle "doit être bien encadrée" affirme Dominique Achispon, secrétaire général du Syndicat national des officiers de police (SNOP). Ce dernier réclame pour la sécurité privée, "un code de déontologie".
Cette question, et celle du contrôle des pratiques, est au coeur des débats, dans un autre domaine tout aussi concerné par l'offensive de la sécurité privée, celui du renseignement. Dans un texte intitulé La Face cachée de l'intelligence économique publié dans la Tribune du commissaire, la revue du Syndicat des commissaires de la police nationale, deux d'entre eux s'inquiètent des prétentions des entreprises privées à avoir accès à des données confidentielles et des liens noués, dans ce but, avec des fonctionnaires.
S'appuyant sur quelques exemples de "dérives", Thierry Callies, chef du service de la police judiciaire des Hauts-de-Seine et Patrice Demoly, chef de la brigade de répression de la délinquance économique dénoncent en particulier "l'utilisation indue d'informations issues de fichiers de toute nature à des fins mercantiles, très éloignées de l'intérêt général".

Isabelle Mandraud

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